Portrait de la scientifique Vahideh Rabani
Alizée Mosconi
Auteur 
Alizée MOSCONI

Des mouches dans nos cosmétiques !

Et si votre prochaine crème anti-acné était fabriquée à base de mouches ? Un défi osé actuellement relevé par la chercheuse Vahideh Rabani, 38 ans, docteure en Sciences de la vie et de la santé à l’Université de Franche-Comté. 

Au fond d’un tube à essai que tient fièrement la spécialiste en pharmacologie Vahideh Rabani, se cache peut-être l’avenir de nos cosmétiques. S’y entassent des larves séchées de mouches. A première vue, difficile de s’imaginer que celles-ci pourraient devenir le remède aux imperfections de notre peau. « Pourtant, ces larves contiennent de l’acide laurique, des lipides aux propriétés antimicrobiennes que l’on trouve également dans les huiles de coco et de palme », précise la chercheuse en blouse blanche, dans son laboratoire de l’UFR Sciences de la santé, à Besançon.

De l'acide laurique et du collagène

Voilà trois ans qu’elle y mène un projet de recherche, Insectéine, afin de découvrir ce que les insectes peuvent apporter à l’industrie cosmétique. « J’espère ainsi pouvoir établir le dialogue entre deux marchés : celui des éleveurs d’insectes français et celui du secteur cosmétique ». Ce dernier connaissait déjà les crèmes de bave d’escargots et l’huile d’œufs de fourmis. Vahideh Rabani en est persuadée, nos produits de beauté seront fabriqués à base de petites bêtes, et plus particulièrement, celle qui repose dans une coupelle, au creux de sa main, à savoir une mouche pas plus grande que deux centimètres aux ailes sombres et couronnée de deux antennes : le soldat noir.

L’espèce scientifiquement nommée Hermetia illucens, est également source de collagène, la protéine recherchée par l’industrie cosmétique qui permet à la peau de conserver son élasticité. Son seul défaut ? « Le soldat noir fréquente les poubelles », admet Vahideh Rabani, un point qui pourrait fortement titiller nos préjugés d’européens et notre dégoût pour les insectes. « Il faut parfois savoir mettre de côté ses phobies, pour aider notre planète » rappelle la scientifique. « A l’horizon 2050, le monde sera peuplé de 9 milliards d’individus et nous devrons trouver des solutions pour répondre à leurs besoins. »

Petit mais vorace !

L’élevage d’insectes offre en effet un sérieux avantage : il consomme beaucoup moins d’eau et de nourriture que l’aviculture et l’élevage de porcs ou de bétail. Quant au soldat noir, sa larve nous rend un sacré service écologique : elle dévore des quantités impressionnantes de déchets organiques !  « Une tonne de larves de cette espèce peut manger jusqu’à cinq tonnes de déchets en une dizaine de jours », illustre la chercheuse. Le soldat noir se reproduit rapidement : si sa longévité est d’environ 45 jours, sa capacité de reproduction atteint, elle, 800 œufs par femelle en moyenne.

En France, consommer des insectes reste rare et se limite souvent à quelques vers de farine dégustés les yeux fermés à l'apéritif, loin des menus asiatiques et sud-américains où figurent scorpions, punaises d’eau ou encore chapulines. Serons-nous prêts à dépasser notre entomophobie et à enduire, dans quelques années, notre visage d’une crème à l’huile de mouches ? Pour la spécialiste en pharmacologie, cela ne fait aucun doute. Vahideh Rabani mène déjà des recherches sur une autre espèce de mouche !