Vue aérienne d'un site de fouilles archéologiques : PC15 à Bibracte
Laboratoire Chrono-environnement
MSHE
Auteur 
Delphine Gosset

Découverte à Bibracte

La dernière campagne de fouilles menée par les chercheurs du laboratoire Chrono-environnement sur le site archéologique de l’oppidum de Bibracte a révélé une construction intrigante.

Le site archéologique de l'oppidum de Bibracte a été identifié  à la fin du XIXe siècle sur le Mont Beuvray en Bourgogne. Il est emblématique de la période d’apparition des premières agglomérations (avec des fortifications, des monuments et un système de voirie) au nord des Alpes, entre le IIe et le Ier siècle avant J.-C. Auparavant, les habitats celtiques étaient principalement ruraux et les villes restaient un phénomène méditerranéen.

Dans son récit La Guerre des Gaules, César décrit Bibracte comme la capitale des Éduens. Ce peuple qui figurait parmi les plus puissants de la Gaule indépendante occupait alors un territoire très vaste entre la Saône et la Loire et contrôlait ces deux voies de communication navigables stratégiques pour le commerce. Les élites éduennes avaient des accords diplomatiques et commerciaux avec les Romains. « D’abord alliés de César, les Éduens se sont ensuite rebellés en se joignant à la levée des troupes de Vercingétorix. Ils ont participé à la bataille d’Alésia, mais ils n’ont pas été punis. Au contraire, César a choisi de les valoriser et de s'appuyer sur eux comme fer de lance de la romanisation », raconte Philippe Barral, archéologue au laboratoire Chrono-environnement. Vers le changement d'ère, Bibracte a été abandonnée au profit d’un site créé ex nihilo à une vingtaine de kilomètres : Augustodunum, qui est devenu Autun.

Les chercheurs de nombreuses nationalités qui mènent des fouilles régulières sur le site de Bibracte depuis les années 1980 étudient le réseau de structuration de la ville : les places, la voirie, les équipements collectifs, la spécialisation des quartiers… Ils cherchent à comprendre les modalités de l’urbanisation gauloise à la fin de l’âge du fer, celle-ci étant très différente de celle des villes méditerranéenes élaborées selon des modèles romains ou grecs. 

Portrait de Philippe Barral
Ludovic Godard

Le site de Bibracte est très vaste. Impossible de fouiller ses 250 hectares. C'est pourquoi les chercheurs de l’université de Franche-Comté utilisent des techniques comme la prospection géophysique pour apprécier la trame urbaine et réaliser ensuite leurs investigations sur des zones ciblées. Le chantier de l'été dernier concernait une terrasse artificielle située en plein centre de l’oppidum. « On croyait qu’elle avait été mise en place juste avant l’abandon de la ville et qu’elle n’avait jamais été lotie. Les fouilles ont prouvé le contraire », révèle Philippe Barral.

Grande particularité de cet édifice : il a été construit selon le système du murus gallicus, qu’on ne connaissait jusqu’alors que dans les fortifications militaires. Ce principe d'architecture permet de construire des remparts avec une armature de poutres entrecroisées qui maintiennent une masse de terre, le front en pierre n'ayant aucune fonction de soutien. Le résultat est solide et résiste au feu et au bélier. « C’est la première fois que l’on voyait adopter cette technique en génie civil pour du terrassement artificiel », explique l’archéologue.

Les fouilles ont révélé trois états différents pour cette plate-forme : il s'agissait d’abord d’un imposant bâtiment sur cour dont chaque aile mesurait 40 mètres de côté, puis son épaisseur a été réduite (de 8 mètres à 6 mètres). Ensuite, on a construit un énorme bâtiment central (de 18 mètres sur 15 mètres), l’un des plus grands qu’on connaisse dans les oppidums. Cette terrasse a donc été transformée à plusieurs reprises, toujours selon le même principe d'architecture. Pourtant, il y a ailleurs dans l’oppidum des édifices à la romaine datés de la même époque. « La méthode de construction était probablement liée à la fonction du bâtiment », présume Philippe Barral.

Il s’agissait vraisemblablement d’un édifice public entretenu, et non d’un habitat domestique, car on n’y a trouvé aucun indice matériel (d'habitude, les anciens dépotoirs renseignent opportunément les archéologues). Maché couvert ? Halle ? Entrepôts ? Lieu de réunion politique ? Le plan pourrait correspondre à celui d’un sanctuaire celtique, mais on n'y trouve pas non plus de mobilier caractéristique. Prochaine étape pour l'équipe d'archéologues : fouiller les abords pour étudier ce qui a été rejeté à l’extérieur et obtenir ainsi davantage d’informations.

Contact

Laboratoire Chrono-environnement

Maison des sciences de l'homme et de l'environnement (MSHE) Claude Nicolas Ledoux

Plusieurs archéologues sur un site de fouilles
Des tessons d'amphores incluses dans un mur
Vue aérienne d'un site de fouilles archéologiques : PC15 à Bibracte
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