Visite guidée de l'exposition
Ludovic Godard
Auteur 
Nourhane Bouznif

Comment l'architecture lève les barrières du handicap

L’exposition proposée actuellement au Gymnase espace-culturel présente une large sélection de bâtiments pensés pour répondre aux besoins spécifiques des personnes qu'ils accueillent.

Barre d’appui, rampe d’accès, plateforme élévatrice… ce sont souvent les éléments auxquels on pense quand on parle de bâtiments aménagés pour des personnes en situation de handicap. Pourtant, les normes relatives à l'accessibilité sont loin de résumer les solutions imaginées par les architectes. Et les enjeux auxquels ces derniers sont confrontés ne se limitent pas à des questions de mobilité.

C’est l’idée mise en avant par l’exposition « Construire l’accessible – L’architecture face aux murs du handicap » accueillie au Gymnase-espace culturel de l’université de Franche-Comté, à Besançon. Cette exposition est la seconde présentée en partenariat avec la Maison de l’architecture de Franche-Comté1, ainsi que la communauté d’agglomération du Grand Besançon, la Ville de Besançon et son CCAS. Conçus par la Maison de l’architecture et de la ville Nord-Pas-de-Calais, les panneaux présentant les projets architecturaux sont répartis en quatre types de handicap : la perte de mobilité, la perte de sens, la rééducation physique, et l’incapacité psychologique et psychiatrique.

Panorama international

Une vingtaine de bâtiments ont été sélectionnés. On découvre aussi bien des habitations que des constructions destinées à accueillir du public, réparties sur tout le globe : Royaume-Uni, Japon, États-Unis, Burundi… « Les pays sont plus ou moins avancés en ce qui concerne la prise en compte du handicap par l’architecture, mais c’est un sujet important partout dans le monde, commente Anna Otz, architecte à la Maison de l’architecture de Franche-Comté. Ce ne sont pas juste des questions de rampes. Il faut montrer que c’est l’organisation de l’espace qui est importante. » Le choix a été fait de présenter des réalisations imaginées pour répondre à des besoins individuels ou collectifs, et qui soient au final utilisables par tous.

Pour Lucie Vidal, chargée de projet au service Sciences, arts et culture de l’UFC, l’exposition revêt aussi un objectif pédagogique : « On veut sensibiliser les architectes régionaux pour qu’ils ne voient pas que des contraintes quand il est question de handicap. » Si les normes peuvent être perçues comme des difficultés lorsqu’il s’agit de concevoir un bâtiment, les projets présentés montrent qu’elles peuvent donner naissance à des idées ingénieuses.

L'inventivité au service des individus

La plupart des constructions privilégient la fluidité des déplacements avec des lignes courbes, de larges couloirs, des passages sans obstacles, des espaces pensés pour favoriser l’autonomie des personnes qui les fréquentent, des rampes d’accès intégrées aux sols, l’usage de différents matériaux selon les handicaps… Dans une école écossaise qui accueille des enfants autistes présentant des déficiences sensorielles, on a par exemple fait le choix de recouvrir l’un des murs de liège : cette matière sert de support d’informations en relief pour les élèves non-voyants et leur permet de se guider et de se repérer plus facilement dans l’établissement. Le panneau à côté montre une maison japonaise construite pour une famille dont les deux parents sont sourds. L’architecte a inclus de petits hublots aux planchers et aux cloisons pour simplifier la communication en langue des signes.

Dans les parties « rééducation physique » et « incapacité psychologique et psychiatrique » de l’exposition, certains architectes ont pris le parti de construire des bâtiments qui n’ont pas l’air de structures de santé. On peut notamment découvrir une clinique de convalescence à Champigny qui rappelle davantage un spa qu'un centre médicalisé.

On retrouve plus loin cette même idée avec des exemples d’hôpitaux psychiatriques et de centres accueillant des personnes déficientes mentales ou atteintes d’une maladie psychique. Tous ces projets partagent un même enjeu : celui d’aider les personnes à se sentir bien dans leur environnement, de leur permettre de se repérer facilement et de s’approprier les lieux. On découvre l’exemple étonnant de ce centre espagnol pour des jeunes atteints de troubles psychiatriques, dont les toits des bâtiments reflètent l’activité qui s’y passe : un toit avec des pentes douces pour les pièces de repos, une toiture en dent de scie pour les salles d’activités collectives… Et un bardage rouge vif pour se démarquer dans le paysage et revendiquer une place dans la société. L’aspect esthétique n’a pas été omis dans ces nombreux projets aux styles variés. En cela, l’exposition saura contenter les amateurs d’architecture.

Sensibilisation au handicap

En parallèle sont proposés trois ateliers créés par Anna Otz et Vincent Paillot, également architecte à la Maison de l’architecture de Franche-Comté. Ces installations invitent le public à expérimenter la perte de mobilité ou de sens. Un fauteuil roulant est mis à disposition des visiteurs ainsi que deux rampes d’accès : une grande d’une inclinaison de 4 % et une petite de 10 %. Les deux architectes ont également mis en place un parcours avec un tapis podotactile2 agrémenté de quelques obstacles, à arpenter avec un masque sur les yeux et une canne pour se guider. Enfin, on peut tester ses sens en entrant dans une petite pièce plongée dans l’obscurité, avec des bruits de la ville dans les oreilles et différents matériaux au sol (sable, gravier…).

L’exposition est visible jusqu’au 6 novembre et elle est évidemment accessible aux personnes en situation de handicap.

  1. L’exposition « Cet endroit n’existe pas » était programmée du 2 au 30 mars 2016.
  2. Revêtement de sol en relief

Contact

Lucie Vidal

Salle d'exposition
Un atelier pour expérimenter ce que vivent les personnes aveugles lorsqu'elles se déplacent

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