Gros plan sur une main gantée qui tient une pipette et un petit tube avec un liquide rose.
Ludovic Godard
Auteur 

Autophagie : quand les cellules se mangent elles-mêmes

Le prix Nobel de physiologie 2016 a récompensé le Japonais Yoshinori Ohsumi pour ses travaux sur les mécanismes moléculaires de l’autophagie. Pour Régis Delage-Mourroux et Michael Boyer-Guittaut, chercheurs en biochimie, c’est l’occasion de revenir sur un mécanisme clé du fonctionnement cellulaire qu'ils étudient dans leur laboratoire.

Qu’est-ce que l’autophagie ?

Michael Boyer-Guittaut : L’autophagie est un mot qui vient du grec et qui signifie « se manger soi-même ». Ce mécanisme permet aux cellules d’éliminer leurs propres constituants et de les recycler afin de survivre quand elles n’ont plus de quoi s’alimenter (on parle alors de stress nutritionnel). Le terme d’autophagie a été utilisé pour la première fois en 1963 par Christian de Duve1, un biochimiste belge qui a en décrit le fonctionnement. Ce n’est donc que depuis les années 1960 que l’on sait que les cellules vivantes peuvent mettre en place un mécanisme interne pour dégrader leurs propres constituants.

Pourquoi s'intéresse-t-on à ce mécanisme ?

Régis Delage-Mourroux : Il est clairement démontré que de nombreuses maladies, allant du cancer aux maladies neurodégénératives, sont associées à des défauts du processus autophagique. Une meilleure compréhension de ce mécanisme et de sa régulation ouvre donc la voie à des pistes thérapeutiques potentielles. L’attribution récente d’un prix Nobel à Yoshinori Ohsumi, qui est l'un des pionniers de l’étude de l’autophagie, traduit l’importance et le fort développement de ce domaine de recherche au cours des vingt dernières années.

Qui est Yoshinori Ohsumi ?

Michael Boyer-Guittaut : Yoshinori Ohsumi est un biologiste japonais. Dans les années 1990, avec son équipe à l'université de Tokyo puis au sein de l’université d’Okazaki, il a effectué des travaux sur des levures qui ont permis de comprendre les mécanismes fondamentaux de l'autophagie. Yoshinori Ohsumi a tout d’abord démontré que, chez la levure, ce mécanisme était  similaire à celui décrit dans les cellules de mammifères, puis il a identifié différents mutants chez lesquels le processus autophagique est inhibé. Il a également identifié plusieurs gènes (Atg) directement impliqués dans le fonctionnement de l’autophagie. Ces travaux fondamentaux ont ensuite permis l'analyse moléculaire de ce phénomène chez d'autres organismes vivants et notamment chez les mammifères.

S'agit-il d'un domaine de recherche à la mode ?

Michael Boyer-Guittaut : Depuis les années 1990, les travaux publiés sur l’autophagie n’ont cessé d’augmenter. Il existe même maintenant une revue scientifique dédiée qui s'intitule Autophagy. En 1997, Yoshinori Ohsumi organisait le premier symposium international consacré exclusivement à l’autophagie (ISA), à Okazaki, au Japon. La dernière édition de ce congrès, à Hangshan, en Chine, a rassemblé plus de 300 participants. Le nombre croissant des réunions internationales portant sur ce sujet reflète la popularité de ce domaine passionnant. Plus récemment, en 2011, a été créé le Club francophone de l’autophagie (CFATG), afin de promouvoir les échanges et les collaborations et d’assurer la diffusion des connaissances entre les équipes de recherche francophones autour de cette thématique.

Travaillez-vous sur l'autophagie dans votre laboratoire ?

Régis Delage-Mourroux : Oui, dans le laboratoire E2SNC2, nous portons un grand intérêt aux travaux récents relatifs à l’autophagie. Notre groupe de recherche s'appelle d'ailleurs « Autophagy, EMT and anti-tumor T cell immunity ». En 1993, notre équipe a découvert un nouveau gène que nous avons appelé GEC1/GABARAPL1, mais ce n’est qu’en 2010 que nous avons démontré que la protéine GABARAPL1 codée par ce gène était un élément moteur du processus d’autophagie. Depuis cette découverte, nos thématiques de recherche se sont réorientées vers l’étude du mécanisme de l’autophagie et plus particulièrement sur son rôle au cours de processus pathologiques comme le cancer du sein et le cancer du poumon.

Qu'avez-vous pu mettre en évidence ?

Régis Delage-Mourroux : Nos travaux ont notamment permis de montrer qu’une forte expression ce gène GABARAPL1 chez des patientes présentant un cancer du sein est un facteur de bon pronostic et de survie. Nous nous attachons maintenant à déterminer le rôle de ce gène et d’autres gènes de l’autophagie au cours de la formation et du développement du cancer. Un autre de nos axes de recherche consiste à déterminer si la régulation de l’autophagie par GABARAPL1 pourrait permettre une réactivation de notre système immunitaire afin d’améliorer le ciblage et l’élimination des cellules tumorales.

  1. Christian Duve a reçu le prix Nobel de médecine en 1974.
  2. Estrogènes, expression génique et pathologies du systèmes nerveux central

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E2SNC - Estrogènes, expression génique et pathologies du système nerveux central

Portrait de Michael Boyer-Guittaut en blouse, un groupe d'étudiants en blouse derrière lui pendant un TP.
Régis Delage portant un masque en plexiglass et une blouse examine une plaque rose dans une lumière bleutée.
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